Case report

Case report et quiz

Trouble délirant

DOI: https://doi.org/10.4414/sanp.2017.00481
Publication Date: 29.03.2017
Swiss Arch Neurol Psychiatr Psychother. 2017;168(03):0

Daniele Zullino, Rita Manghi

Service d’Addictologie, Hôpitaux Universitaires de Genève

Vous êtes appelé au poste de police pour évaluer Monsieur B qui a été arrêté pour une altercation violente avec son ancien garagiste. Il l’aurait grièvement blessé avec une clé à écrous.

Monsieur B est un informaticien de 42 ans, divorcé, père de deux fils adolescents.

Vous trouvez dans sa cellule un homme habillé dis­crètement, qui apparaît immédiatement très contrarié. Il présente un discours parfaitement cohérent et raconte avoir été le client de sa victime durant trois ans jusqu’à deux ans auparavant, lorsque ce dernier aurait essayé de l’arnaquer avec une facture abusive. Son ­garagiste aurait facturé le réglage du système ­d’injection qui n’avait certainement pas été fait, puisque la voiture continuait à présenter un régime instable au ralenti après environ 3 minutes suivant le démarrage. Malgré ses dires persistants d’avoir fait le réglage, le ­garagiste avait finalement cédé et remboursé la somme après plusieurs semaines d’insistance de la part de Monsieur B. Quelques jours plus tard, la pompe à ­essence de la voiture est tombée en panne. Le garagiste aurait tout de suite refusé de s’occuper une nouvelle fois de la voiture.

Monsieur B aurait alors demandé à son assurance de protection juridique d’entreprendre des démarches contre le mécanicien. Les conseillers de l’assurance, après avoir contacté le garagiste et reçu la documen­tation, auraient déconseillé Monsieur B de se retourner contre lui, puisque les informations qu’ils détenaient, selon eux, donneraient formellement raison au garagiste. 

Cette réponse aurait renforcé Monsieur B dans sa conviction que le garagiste, puisqu’il avait avoué im­plicitement son méfait en remboursant l’argent, avait commencé à manigancer avec les employés de l’assurance de protection juridique pour se venger.

Monsieur B aurait alors déposé plainte contre le garagiste pour fraude et contre l’assurance pour inexé­cution de contrat. Il aurait cependant à deux reprises été débouté par les tribunaux. 

Selon Monsieur B, il serait très probable que le garagiste ait réussi à embobiner aussi les juges. Monsieur B. dit avoir fait sa propre enquête. Il aurait finalement réussi à trouver l’adresse du dernier juge et pu observer que la femme du juge roulait dans une voiture d’une marque que le garagiste vendait aussi. La machination du garagiste serait ainsi évidente. Monsieur B s’est rendu aujourd’hui chez le garagiste pour le confronter avec ces faits. Celui-ci a cependant refusé de lui parler et a tenté de le chasser manu militari de son atelier. Monsieur B a dû se défendre face à cette violence et a ainsi fait usage d’une clé à écrous qui se trouvait par hasard à portée de main.

Sur la question, si le choix de la marque de voiture de la femme du juge pouvait être un pur hasard sans ­aucun lien avec le garagiste et la querelle, Monsieur B confirme n’avoir aucun doute et commence à se ­questionner si vous même ne faites pas partie de la conspiration.

Question 1

Laquelle des affirmations suivantes est la plus ­appropriée concer­nant le délire de Monsieur B?

A Il s’agit d’un délire paranoïde, avec des thèmes ­multiples ­imbriqués.

B Il est peu systématisé, puisqu’il n’affecte pas les ­autres ­contenus de sa pensée.

C Il présente un fort dynamisme, puisque l’affect lié au délire domine la personne et se traduit clairement dans ses actes.

D Il est faiblement cristallisé, puisque Monsieur B continue à ajouter des fausses croyances à son ­système délirant.

E Il ne s’agit formellement pas encore d’un délire, puisqu’il n’est pas accompagné par des hallucinations

Commentaire

Le terme de dynamisme du délire dénote l’implication affective, l’énergie, l’intensité des affects en synergie avec le délire, pour que celui-ci devienne agissant. Dans le cas de Monsieur B, les convictions délirantes ont fortement commandé ses affects et ses compor­tements.

Il s’agit d’un délire paranoïaque et non paranoïde. Un délire paranoïaque, caractéristique du trouble délirant (CIM-10: F 22.0), est habituellement la conséquence d’une intuition délirante, ne faisant ensuite plus appel qu’au mécanisme interprétatif. Il est le plus souvent centré sur un seul thème et hautement systématisé. Un délire paranoïde par contre, plus caractéristique du trouble de schizophrénie, peut se développer à partir de mécanismes variés comme p.ex. les hallucinations, les interprétations, les sauts aux conclusions, l’ima­gination. Il peut comprendre des thèmes multiples ­imbriqués.  

Un délire est considéré systématisé si la croyance parait cohérente en elle-même, même si elle part de fausses prémisses. Monsieur B donne des raisons argumentées de sa persécution. Que le délire affecte ou non les autres pensées est dans ce cas sans rapport.

Bonne réponse: C.

Question 2

Lequel des éléments suivants est obligatoire pour pouvoir poser le diagnostic de trouble délirant persistant selon CIM-10?

A Au moins deux épisodes clairement distincts

B Pensée barrée

C Idées de délire

D Pensées imposées

E Rétrécissement de la conscience

Commentaire

Le Diagnostic de Trouble délirant est selon CIM-10 ­«caractérisé par la survenue d’une idée délirante unique ou d’un ensemble d’idées délirantes appa­rentées, habituellement persistantes, parfois durant toute la vie. Le contenu de l’idée ou des idées délirantes est très variable. La présence d’hallucinations auditives (voix) manifestes et persistantes, de symptômes schizophréniques tels que des idées délirantes d’influence ou un émoussement net des affects, ou la mise en ­évidence d’une affection cérébrale, sont ­incompatibles avec le diagnostic. Toutefois, la présence d’halluci­nations auditives, en particulier chez les sujets âgés, survenant de façon irrégulière ou ­transitoire, ne permet pas d’éliminer ce diagnostic, à condition qu’il ne s’agisse pas d’hallucinations typiquement schizophréniques et qu’elles ne dominent pas le tableau clinique.»

Selon le Système AMDP, une pensée barrée consiste dans «une suspension brusque du cours de la pensée ou du discours, qui était fluide jusqu’à là; ceci est ­ressenti par le patient (barrage idéique) et / ou observé par l’examinateur (barrage).»Pour ce qui concerne les pensées imposées, «les pensées et les représentations sont perçues comme influencées, fabriquées, ­dirigées … de l’extérieur.» Il s’agit de deux symptômes qui sont plutôt indicateur d’un trouble schizophrénique.

Toujours selon le système AMDP, le rétrécissement de la conscience désigne une «focalisation de la pensée, de l’éprouvé et de la volonté sur un nombre réduit de thèmes. La réponse aux stimuli externes est diminuée de façon caractéristique.»

Bonne réponse: C.

Funding / potential competing interests

No financial support and no other potential conflict of interest ­relevant to this article was reported.

Correspondence

Prof. Daniele Zullino
Service d’Addictologie
Hôpitaux Universitaires
de Genève
CH-1205 Genève
daniele.zullino[at]hcuge.ch

Pour en savoir plus

1 Organisation Mondiale de la Santé. CIM 10/ICD 10 ­Classification internationale des maladies 10e révision. Troubles mentaux et troubles du comportement. Paris: Masson. 1993.

2 Preisig M, Serre Ch. Le Système AMDP – Manuel de documentation de la psychopathologie. Göttingen: Hogrefe; 2000.

3 Freeman D, Garety P. Advances in understanding and treating ­persecutory delusions: a review. Soc Psychiatry Psychiatr Epidemiol. 2014;49:1179–89.

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