Case report

Décès d’un agité nocturne

DOI: https://doi.org/10.4414/sanp.2020.03116
Publication Date: 01.06.2020
Swiss Arch Neurol Psychiatr Psychother. 2020;171:w03116

Zullino Danielea, Müller Monikab, Thorens Gabriela

a Service d’addictologie, Hôpitaux Universitaires de Genève, Suisse

b Universitätsklinik für Alterspsychiatrie und Psychotherapie, Universitäre Psychiatrische Dienste Bern, Suisse

Monsieur Bettegi décède à l’âge de 73 ans dans un accident de voiture comme passager. Au vu de la cause de décès une autopsie est demandée. Il ressort de son dossier médical qu’il avait été examiné à plusieurs reprises au cours des 5 dernières années pour des troubles de la mémoire. Il est décrit que ses capacités cognitives auraient fluctué fortement d’un jour à l’autre et aussi dans une même journée.

Compte tenu des troubles cognitifs, Monsieur Bettegi avait été présenté il y a un an à un psychiatre de liaison. Lors du status psychiatrique complet, le patient rapportait avoir eu régulièrement des hallucinations visuelles, avec des scènes très vivides, dont il reconnaissait la nature irréelle souvent que le jour suivant. L’épouse du patient n’était pas au courant de ces troubles de la perception, le patient ne lui en ayant jamais parlé spontanément.

Madame Bettegi se plaignait en revanche que son mari lui donnait souvent des coups de pied durant la nuit, et qu’il lui arrivait même de gesticuler bizarrement durant son sommeil. Le psychiatre avait également mis en évidence une légère hypomimie, une démarche légèrement hésitante et de nombreuses kératoses actiniques sur l’avant-bras.

Une perte auditive modérée avait été corrigée avec une aide auditive il y a deux ans. Il prenait depuis 13 ans un inhibiteur de l'enzyme de conversion de l'angiotensine pour une légère hypertension artérielle, bien contrôlée par cette médication. Il a également été opéré de la cataracte il y a 1 an.

Question 1

Que va le plus probablement trouver le pathologue à l’autopsie?

A. Une nécrose dans le lobe occipital

B. Une hydrocéphalie interne

C. Une atrophie marquée du putamen et du noyau caudé

D. Des corps de Lewy dans le tronc cérébral

E. Des démyélisations neuronales dans le lobe frontal

Commentaire

La démence à corps de Lewy (DCL) fut décrite pour la première fois en 1912 par le neurologue Friedrich Lewy, qui découvrit des dépôts typiques de protéines dans le cortex et le tronc cérébral de personnes décédés de la maladie de Parkinson.

La DCL est avec 10% à 15% une des formes de démence les plus fréquentes, avec une légère surreprésentation chez les hommes.

La maladie se manifeste souvent après l’âge de 60 ans par des troubles moteurs qui accompagnent l’atteinte progressive des cognitions. Les symptômes moteurs, typiquement parkinsoniens, sont la bradykinésie, la rigidité́ musculaire et les tremblements de repos, l’hypomimie, la démarche trainante et la posture voutée. La DCL se distingue du Parkinson par l’apparition précoce des signes de démence qui précèdent cliniquement les troubles moteurs. L'évaluation du parkinsonisme peut être problématique car souvent subtil et fluctuant, les symptômes cliniques moteurs étant absents dans jusqu'à 25% des cas de DCL confirmés à l’autopsie.

Si la mémoire demeure souvent assez bonne au début de l’évolution, des troubles de l’attention ainsi que des problèmes de planification, d’organisation, d’orientation et de motivation surviennent plus précocement.

Au niveau des symptômes psychiques on note des hallucinations visuelles, fréquentes dès les premiers stades de la maladie, ainsi que des fluctuations des capacités cognitives et de la vigilance. Les hallucinations visuelles peuvent apparaitre très tôt dans l’évolution du trouble et surviennent chez la majorité des patients atteints de DCL. Elles sont d’habitude récurrentes et peuvent être décrites par les patients de manière très détaillée. Le lien entre les hallucinations et la démence est rarement faite par les patients ou leur entourage. Par conséquent il devient essentiel de chercher le deuxième symptôme en présence du premier.

Typiquement des troubles du sommeil peuvent survenir, avec un maintien du tonus musculaire durant la phase REM et des mouvements possibles durant les rêves, ce qui peut se manifester p.ex. par des cris, des paroles, des rires, et tout type de mouvements générés par les rêves. Pour dépister ces troubles du sommeil REM, on explore (a) les changements du niveau de fonctionnement au cours de la journée ; (b) des somnolences diurnes excessive et (c) des difficultés à maintenir un niveau d’attention tout au long de la journée. Ce type de trouble du sommeil peut être difficile à différencier des nombreuses autres perturbations du sommeil qui peuvent survenir dans le cadre d’une démence, à moins qu'il ne soit spécifiquement demandé au patient ou un proche s'il y a déjà eu des «mise en acte de rêves» pendant le sommeil.

Parmi les symptômes neurovégétatifs, se retrouve notamment des fluctuations de la tension artérielle, des hypotensions orthostatiques, des troubles du rythme cardiaque, des vertiges, des syncopes et une incontinence urinaire.

A l’examen anatomo-pathologique, la DCL est caractérisée par l'accumulation excessive de l'alpha-synucléine dans les neurones, une protéine qui est le principal constituant des corps de Lewy. L'accumulation excessive d'alpha-synucléine dans des inclusions de type corps de Lewy peut entraîner une diminution des protéines synaptiques, une altération progressive de l'excitabilité neuronale et, finalement, la mort neuronale.

Il n’existe pour l’heure pas de tests spécifiques pre-mortem permettant d’établir la présence de corps de Lewy. Cependant, certains examens complémentaires peuvent fournir des résultats en faveur d'une Maladie à corps de Lewy p.ex. des biomarqueurs du LCR tau, pTau et Abeta 1-42 légérement-modérément altérés; polysomnographie indiquant un trouble de sommeil REM; un SPECT de transporteur de dopamine (DAT) indiquant un déficit dopaminergique. Pratiquement, la DCL est diagnostiquée lorsque la démence précède ou apparaît en même temps que le parkinsonisme. Si un patient atteint de Parkinson idiopathique développe une démence un an ou plus après le début du parkinsonisme, le diagnostic sera celui d’une démence parkinsonienne.

Bonne réponse: D

Question 2

Pour quelle classe de médicaments existe-t-il une intolérance particulière chez les patients atteint de DCL ?

A. Beta-bloquants

B. Benzodiazépines

C. Antipsychotiques

D. Inhibiteurs de l'alpha-glucosidase

E. Inhibiteurs de monoamine oxydase

Commentaire

La symptomatologie de la DCL s'explique en partie par la dégénérescence des voies dopaminergiques. Pour cette raison, les patients DCL sont particulièrement vulnérables aux actions antidopaminergiques des antipsychotiques conventionnels et atypiques. Les patients sont particulièrement sensibles au développement de symptômes extrapyramidaux ainsi qu'au syndrome malin des neuroleptiques.

Bonne réponse: C

Funding / potential competing interests

No financial support and no other potential conflict of interest relevant to this article was reported.

Correspondence

Prof Daniele Zullino, Service d’addictologie, Hôpitaux Universitaires de Genève, Grand Pré 70, CH-1202 Genève, Daniele.Zullino[at]hcuge.ch

Références

Baskys A. Lewy body dementia: the litmus test for neuroleptic sensitivity and extrapyramidal symptoms. J Clin Psychiatry. 2004;65(Suppl 11):16–22. PubMed

Hershey LA, Coleman-Jackson R. Pharmacological Management of Dementia with Lewy Bodies. Drugs Aging. 2019;36(4:309-319.

Outeiro TF, Koss DJ, Erskine D, Walker L, Kurzawa-Akanbi M, Burn D, et al.Dementia with Lewy bodies: an update and outlook. Mol Neurodegener. 2019;14(1):5. doi:. http://dx.doi.org/10.1186/s13024-019-0306-8 PubMed

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